Exposition "CYANOTYPES" de François Raison

« Les Cyanotypes de François Raison assument un regard flottant, rêveur et mélancolique préférant le bleu du ciel ou de la mer à la noirceur de l’ombre. Ils sont une manière de voir, un regard aussi tactile et sensible que possible sur les objets et le monde qui nous frôlent » (Camille Saint-Jacques). Une exposition photographique de François Raison à découvrir chez Deyrolle du 29 mars au 11 mai 2024.

Plus qu’un fascinant cabinet de curiosités, Deyrolle est une institution dont le langage universel repose sur le triptyque Nature-Art-Education. Forte d’un discours où le Vivant et la préservation de la Biodiversité prennent toute leur place, Deyrolle présente des expositions d’artistes pour lesquels la Nature est une source d’inspiration inépuisable. Du 29 mars au 11 mai 2024, Deyrolle accueille « Cyanotypes », une exposition de François Raison où le bleu si particulier de ces tirages photographiques - comme un fil rouge entre les oeuvres - met en lumière l’essence même du Vivant.

Le regard de François Raison

Le projet photographique est de longue haleine, pour ce qui me concerne. La plus ancienne des images de cette série de douze remonte à près de trente ans. Mais je savais en la faisant qu'elle était destinée à être vue un jour, et cela en compagnie d'autres - à venir. Comme un bouquet de fleurs, l'image ne vaut que si on peut l’offrir. Les autres photographies sont venues, au hasard des voyages et de la façon du regard. Cela dit, pas simplement "au hasard", mais aussi par volonté patiente.

Prendre une photographie, cela n'est pas si difficile : il suffit d’être patient donc, et puis honnête, spontané, impliqué, rien qui ne nécessite de grands sacrifices matériels. Peu importe le matériel. Peu importe le lieu. Seul importe la quête de vérité du regard. Ce qui en revanche est compliqué, c'est de trouver un lien entre les images : ce qui définit la persistance de ce regard. On peut alors chercher de l'aide chez les autres, et c'est ce que j'ai fait. En aidant mon regard par celui des artistes qui nous ont précédés, et en attendant que le lien humain se mette en marche. Ce fut le cas dans la rencontre avec Louis Albert de Broglie, qui me donna l'idée d'une série sur la nature, et grâce à l'ouvrage de Julie Laporte dans le tirage photographique, en l’occurrence les cyanotypes.

En art, œuvrer seul m'est vain. J'ai besoin sur scène des yeux du partenaire, en écriture du lecteur à venir, en musique des accords des amis, et pour ce projet photographique j'avais besoin du désir et de la volonté du Prince Jardinier, du battement de sa galerie, des mains et du regard de celle qui allait réaliser les tirages. Tout s'est réuni, et a justifié le choix des photos : la nature, l'image et sa forme, le lieu où on la montre.

Une galerie d'art, c'est beau. Parfois même, c'est le luxe. Deyrolle, c'est mieux. C'est une galerie, un point c'est tout. Ce qui s'y trouve : de l'art, la nature, le rêve, le passé, et l'avenir de l'enfance. Une image, pour qu'on l'y voie, doit faire ses preuves. Tant mieux. C'est un lieu où ne passent pas que les admirateurs d'art, il y aura le badaud, l'adolescent qui rêve d'un coquillage, jeunes et moins jeunes en quête de présents et d'inattendu, touriste, vieil habitué. Que rêver de mieux pour présenter ses images personnelles : si on les voit c'est qu'elles ont passé une vertueuse épreuve, celle de la comparaison à la beauté naturelle, et si on les désire c'est qu'elles sont à la hauteur de la richesse culturelle des collections exposées.

Le lieu, la galerie Deyrolle, m'est idéal par ce lien qu'il propose entre nature et culture. Car mon regard - et donc mes images - s'articulent semblablement : la nature est fascination par nature, et mon regard est fasciné, mais tout autant naturellement que culturellement. Mes yeux se posant sur un paysage, un animal, mon oreille à l'écoute des chants du monde, sont ceux de "l'animal de culture". Je ne saurais pas regarder, écouter, sans que ce soit, par cet acte physique, la création d'une image ou la reconnaissance d'une mélodie. J'ouvre les yeux, et ce n'est pas que la vision, c'est la création de l'image, la transcendance de la nature en objet pensé et senti, culturel. Et c'est le chant de cet autre animal, l'homme. Chaque image est ma voix, cri de l'animal culturel. Il faut chercher la réconciliation de ces deux beautés, nature et culture. Comme deux sociétés redécouvrant leur amitié.

La technique de François Raison

Les photographies exposées sont des tirages cyanotypes de prises de vue argentiques. C'est-à-dire que toutes les images ont été imprimées sur pellicule, puis tirées en procédé cynaotype : breveté il y a plus d'un siècle et demi, il consiste à enduire au pinceau une feuille d'une solution de citrate de fer et de ferricyanure de potassium, puis à exposer le négatif à la lumière du soleil (c'est l’insolation). Le procédé implique le petit nombre de tirages, et le caractère quasi unique de chacun. La chimie donne sa couleur bleue à l’oeuvre (blueprint). J'ai choisi de laisser apparentes les traces de pinceau autour de l'image photographique, ce qui forme une sorte de cadre en soi. Libre a chacun d'encadrer s'il le désire... pour moi le cadre est déjà dans le tirage, c'est-à-dire l'image de l'artiste réalisée par le geste de la tireuse.

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